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Sunday 28 February 2016

Governmental liability for an abusive tax audit in Québec



By Doug Mitchell

There are a number of cases working their way through the court system in Canada which deal with the possibility of governmental liability for either negligent or abusive tax audits.[i]

The recent decision of the Quebec Court of Appeal in Agence du revenu du Québec v. Groupe Enico Inc., (2016 QCCA 76) is another step in the development of the law on this issue, which is increasingly holding the revenue authorities liable for their conduct in the course of a tax audit.

This case involved an appeal from a trial decision where the taxpayer had been awarded $3.95 million. While the Court of Appeal reduced the amount of the damages somewhat, it nonetheless maintained an award of $1.4 million for the loss of the business and $1 million in punitive damages, which represents a very substantial award under Quebec law.

While the facts of every audit are different, there are nonetheless some principles that emerge from the decision which are important to keep in mind.

The first is that the Court clearly recognizes that the revenue authorities have an unquestioned right to conduct an audit at any time. However, in doing so, they should not presume that the taxpayer is in bad faith.  The Court states:

[89] Afin de vérifier le bien-fondé d’une dénonciation, il faut nécessairement que l’ARQ puisse accéder aux documents et aux registres internes de l’entreprise. C’est dans le contexte d’une vérification que l’ARQ peut constater si un contribuable respecte ou non les obligations qui lui incombent en vertu des différentes lois fiscales applicables. Cette vérification, si elle est effectuée de bonne foi et en toute transparence, sans présumer de la mauvaise foi du contribuable, permet d’infirmer ou de valider les prétentions d’un dénonciateur.

The second is that in evaluating the standard of conduct, the Court makes the obvious point that while the revenue authorities have a broad discretion, no discretionary power is absolute.  The Court then looks to the guidelines and policies that the ARQ had itself set out in its Déclaration de Services aux Citoyens et au Entreprises, similar to those set out by the CRA in the Taxpayer’s Bill of Rights. 

[105] Les engagements de l’ARQ envers le citoyen consistent à :

*L’informer du moment, du but et de la portée d’une vérification, à moins que des circonstances particulières l’en empêchent;

*Établir l’identité des intervenants dans le dossier qui le concerne;

*Ne demander que les informations et les documents qui sont pertinents à la vérification;
*S’assurer qu’il comprend bien les modifications apportées à l’avis de cotisation et l’informer de ses droits et obligations fiscales;

*Effectuer les rajustements requis, s’il y a lieu.

[106] Aussi, en 2012, un Code d’éthique et de déontologie à l’intention des dirigeants et des employés de Revenu Québec est adopté. Il met en évidence certaines valeurs, telles la compétence, l’honnêteté, l’impartialité et la diligence dans l’exécution des tâches et des responsabilités qui leur sont confiées. Quoiqu’il ait été adopté après les faits qui nous concernent, le Code contient des règles de base qui relèvent du bon sens.

[107] Ainsi, si le vérificateur ou le percepteur d’impôt ne respecte pas les obligations professionnelles, déontologiques et éthiques qui lui incombent, dont l’obligation d’agir avec transparence et honnêteté, ne respecte pas le devoir qui impose à tout fonctionnaire d’agir équitablement ou s’il abuse de ses pouvoirs discrétionnaires, l’ARQ pourrait devoir indemniser le contribuable à qui ces agissements causent préjudice. C’est à ce niveau que se situent les enjeux du présent dossier.

Finally, and perhaps most importantly, the Court notes that the revenue authorities in Canada have broad powers. However, with these broad powers comes the corresponding duty to exercise them carefully.


[109] L’ARQ bénéficie de pouvoirs que l’on peut sans peine qualifiés d’exorbitants et il y a certainement une justification raisonnable pour que de tels pouvoirs lui soient confiés. L’ampleur du phénomène du « travail au noir » et l’objectif visant l’atteinte de l’équité fiscale entre les citoyens justifient que le législateur confère de tels pouvoirs qui, rappelons-le, imposent un lourd fardeau au contribuable. Les lois fiscales lui imposent notamment : 1) l’autodéclaration et l’autocotisation; 2) l’obligation de donner aux vérificateurs accès à ses bureaux et ses livres, ainsi que celle de répondre à leurs questions; 3) le fardeau de contrer la présomption de validité des avis de cotisation; 4) le devoir d’acquitter sans délai, même en cas de contestation, les sommes réclamées par un avis de cotisation; 5) l’obligation de faire face au statut avantageux de l’ARQ en cas de faillite, ainsi qu’aux facilités de saisie; et 6) le devoir de s’incliner devant le pouvoir de l’ARQ d’utiliser la compensation à son avantage, pour ne nommer que ceux-là.

[110] En contrepartie, des responsabilités accrues s’imposent à l’ARQ, en proportion des pouvoirs ainsi délégués. Plus une agence gouvernementale possède de pouvoirs exorbitants, plus elle risque de causer un préjudice au contribuable si elle les exerce de façon abusive, déraisonnable ou sans considération pour les conséquences qui peuvent en découler.

[111] Un devoir de prudence et de bonne foi dans l’exercice de ces pouvoirs s’impose naturellement. Si elle se dérobe à ce devoir, l’ARQ ne doit pas s’étonner que les tribunaux, eux aussi soucieux du bien public, jugent avec sévérité son manque de rigueur. C’est ce qui s’est produit dans le présent dossier.

This decision should not in my view be seen as simply sanctioning the conduct of a single « rogue auditor » as some tax practitioners have described it to me. It rather represents another statement by the Courts that the general rules of civil law, especially the duty to exercise rights reasonably applies to revenue authorities, no matter how laudable and important the underlying tax policy and their role in seeking compliance with that tax policy is. The ends still do not justify the means.  


Friday 19 February 2016

PRIVILÈGE RELATIF AU LITIGE : la Cour d’appel rappelle les principes

Par Sophie Perron

Suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, l’objection fondée sur le privilège relatif au litige fait partie des objections qui continuent d’être tranchées aussitôt que possible après qu’elles aient été soulevées (articles 228 et 297 C.p.c.).  Le 5 février dernier, la Cour d’appel du Québec a rappelé les principes et le fardeau de preuve de celui qui s’objecte sur cette base dans l’affaire Compagnie d’assurances AIG du Canada c. Solmax International (2016 QCCA 258).

Dans ce dossier,  dans un arrêt unanime des juges Doyon, Savard et Mainville, j.c.a., la Cour d’appel du Québec rejette l’appel et rejette l’objection de Compagnie d’Assurances AIG du Canada (« AIG »).

AIG s’était objectée à transmettre « les échanges entre son service des réclamations et celui de la souscription relativement à la couverture et /ou au refus de la couverture de la réclamation de Solmax International Inc. ».

La Cour d’appel rappelle d’abord l’objectif du privilège relatif au litige : 
[3] Le privilège relatif au litige a pour objectif d’assurer l’efficacité du processus contradictoire et vise à créer une « zone de confidentialité » permettant aux parties de préparer en toute liberté leurs arguments, comme le souligne la Cour suprême dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice)[1]. En l’espèce, les échanges auxquels donne lieu cette préparation ne seront privilégiés « que si le but principal ou substantiel de [leur] création a été d'aider une partie en vue d'un litige »[2], existant ou à venir.

Elle revoit ensuite le critère qui doit être rencontré à savoir que la préparation du litige doit être l’objet principal de la communication ou du document :
[4] Dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice), la Cour suprême fait état de trois types de documents dans ce domaine : ceux dont un objet important est la préparation du litige, ceux dont c’est l’objet principal et ceux dont c’est l’unique objet. Elle retient le critère de l’objet principal, par opposition à celui de l’objet important. Cela permet de conférer une protection compatible avec les caractéristiques du privilège, qui constitue une exception limitée au principe de la communication complète de la preuve[3]. En conséquence, ceux dont la préparation du litige n’est qu’un des objets, sans être l’objet principal, ne peuvent se voir conférer le statut de documents protégés.

Finalement, la Cour d’appel souligne qu’il revient à la partie qui invoque le privilège relatif au litige de démontrer que l’objet principal du document est la préparation du litige :

[5] Somme toute, la condition essentielle à l’applicabilité du privilège relatif au litige est que le document ait pour objet principal la préparation du litige et c’est à la partie qui invoque le privilège de démontrer que ce critère est satisfait[4]. En ce sens, le privilège relatif au litige doit être interprété restrictivement, contrairement au secret professionnel dont l’interprétation large est favorisée.
[6] En l’espèce, à ce stade des procédures et selon la preuve considérée par le juge de première instance, l’appelante n’a pas établi que le but principal des échanges entre ses deux services était la préparation du litige. Il s’agissait principalement de l’aider à décider si la réclamation devait être acceptée. Même s’il est possible que ces échanges soient aussi utiles à l’appelante dans le cadre du litige, cela n’en fait pas l’objet principal, même si ce peut être un objet important.

Cet arrêt succinct constitue du même coup un excellent aide-mémoire pour tout avocat comptant s’objecter à la communication d’un document sur la base du privilège relatif au litige.



[1]  Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2006] 2 R.C.S. 319, 2006 CSC 39, paragr. 27 et 34.
[2] Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, paragr. 1149.
[3] Blank c. Cananda, paragr. 59 et 60.
[4] Marie-Josée Hogue et Berly Lelièvre-Acosta, « Secret professionnel et communications privilégiées », dans JurisClasseur Québec, coll. « Droit civil », Preuve et prescription, fasc. 11, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, paragr. 25.

Friday 12 February 2016

La Cour supérieure confirme la constitutionnalité des articles 118 et 366 C.c.Q.


Par Suzie Bouchard


Dans une récente décision, la Cour supérieure a eu à se prononcer sur la nature juridique des mariages strictement religieux. Dans cette affaire de divorce, Monsieur contestait la validité constitutionnelle des articles 118 et 366 C.c.Q., en vertu desquels les ministres de culte doivent (ou plutôt peuvent, nous enseigne cette décision) déclarer au directeur de l’état civil les mariages qu’ils célèbrent. Monsieur soutenait qu’une telle contrainte portait atteinte à sa liberté de religion et à son droit à l'égalité puisqu’elle l’empêchait de se marier religieusement sans s’assujettir aux règles du patrimoine familial et de la société d’acquêts[1], le privant ainsi du libre choix des conséquences de sa conjugalité.

La cour rejette ces prétentions, notamment au motif que les dispositions visées habilitent sans toutefois obliger les ministres de culte à célébrer des unions civiles. Avant d’en arriver à cette conclusion, le Tribunal procède tout de même à une analyse des arguments constitutionnels invoqués par le demandeur.

Le tribunal se penche dans un premier temps sur la potentielle  violation de l’article 2a) de la Charte canadienne et de l’article 3 de la Charte québécoise.  Suivant la démarche analytique proposée dans Syndicat Northcrest c. Anselem[2], le tribunal reconnaît d’abord la croyance sincère de Monsieur dans le sacrement religieux, puis rejette sa position au motif que ce sont plutôt d’autres convictions personnelles qui y font obstacle :
[43] Monsieur croit sincèrement au sacrement du mariage, du point de vue religieux. Il est cependant en désaccord avec les conséquences économiques que le mariage entraîne du point de vue civil.
[44] Cette conviction personnelle de Monsieur, à l’égard des conséquences économiques du mariage civil, n'a aucun lien avec sa religion et ne constitue pas une atteinte à sa liberté de religion.
[45] Les dispositions contestées n’empêchent certainement pas Monsieur d’entretenir des croyances liées à sa religion.  Elles ne l’ont pas non plus empêchées « de se livrer à des pratiques » ayant un lien avec sa religion, en l’occurrence, de se marier. 
[46] Ainsi, Monsieur n’a pas démontré, par prépondérance de preuve, que les dispositions contestées aient nui, de façon plus que négligeable ou insignifiante, à sa capacité de se conformer à sa religion.
Il faut donc en déduire que les conséquences civiles de l’union ne constituent pas un fardeau significatif imposé au croyant. Il est à noter que la conclusion subséquente du Tribunal à l’effet qu’il est possible de s’unir religieusement sans souscrire au régime du mariage civil rend moins utile l’étude approfondie de l’entrave en question et de l’impact sur le libre choix de Monsieur de se conformer à l’exigence d’un sacrement religieux. Y voyant simplement une opposition entre deux croyances qu’entretient le demandeur, la Cour enchaîne que « ce ne sont pas les convictions religieuses de Monsieur qui sont heurtées par l’application des règles du patrimoine familial et de la société d’acquêts, mais plutôt l’évaluation qu’il en fait en tant que comptable »[3]. Autrement dit, l’entrave ne vient pas de la loi, mais bien de Monsieur lui-même. Ce raisonnement ne permet toutefois pas de distinguer clairement la croyance religieuse du demandeur de la pratique adoptée sur la foi de celle-ci, la seconde jouissant pourtant d’une liberté plus restreinte selon les enseignements la Cour Suprême.[4]

Le tribunal se penche ensuite sur la potentielle violation du droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne et l’article 10 de la Charte québécoise. Monsieur soumettait que les dispositions visées le privaient d’une liberté dont jouissent les non-croyants pouvant vivre en union de faits, soit de se soustraire au régime matrimonial civil. La juge Alary rejette cette prétention. Estimant que la différentiation dont se plaint Monsieur est fondée sur l'état civil et non la confession religieuse, elle ajoute que même en présence d’une distinction, la poursuite de l’analyse ferait également échec à sa position.
[80] Même si le Tribunal retenait que la loi crée une distinction fondée sur la religion,  elle ne crée pas un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou d’un stéréotype.
[81] En ce qui concerne la notion de « désavantage », le Tribunal note d’abord que le régime de protection accordé aux conjoints mariés est généralement considéré comme un avantage. La Cour suprême y réfère à plusieurs reprises en ces termes dans l’affaire Procureur général du Québec c. A.
[82] Même en supposant, pour les fins de l’exercice, que le législateur ait créé une distinction désavantageuse fondée sur la religion, le Tribunal est d’avis que cette distinction n’est pas discriminatoire puisque Monsieur n’a fait aucune preuve démontrant que la distinction désavantageuse invoquée perpétue un préjugé ou applique un stéréotype à l’égard des croyants. 
[83] Le Tribunal est donc d’avis que les articles 118 et 366 C.c.Q. sont compatibles avec le droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne et l’article 10 de la Charte québécoise.
Par ce raisonnement, le Tribunal réitère que l’état civil de Monsieur n’est pas une conséquence directe de l’exercice de sa pratique religieuse. La référence à l'absence de perpétuation de préjugé ou de stéréotype surprend toutefois, puisque la Cour suprême semblait avoir exempté le demandeur d’un tel fardeau dans Québec (Procureur général) c. A.[5] Bien qu’à la lueur de ces conclusions sur les deux atteintes alléguées il n’ait pas été nécessaire pour le Tribunal d’examiner la proportionnalité entre  celles-ci et l’objectif poursuivi par le régime législatif contesté, la juge Alary effleure tout de même l’exercice.
[100] Or, même si le Tribunal devait considérer qu’il existe une atteinte à  la liberté de religion de Monsieur ou au droit à l’égalité, celle-ci ne présenterait pas des inconvénients comparables à ceux que vivraient Madame si on la privait des avantages que lui accorde le Code civil et auxquels elle était en droit de s’attendre au moment de son mariage. D’ailleurs, s’il n’existait pas un tel enjeu, le Tribunal doute fort que Monsieur aurait invoqué les arguments constitutionnels.
Si l’analyse constitutionnelle soulève quelques interrogations, il n’en demeure pas moins que la portée de cette décision sur la nature des mariages religieux fait l’objet de bien plus grandes spéculations. Cette décision a-t-elle réellement pour effet d’entériner une scission entre les deux institutions et de placer le mariage religieux à l’ombre du droit civil ? La question sera peut-être tranchée lors d’un éventuel appel. À tout le moins, la décision met en lumière un doute partagé quant à l’interaction de deux normativités que beaucoup croyaient unies pour la vie, à tort peut-être.





[1] En l’espèce, les parties n’avaient pas précédé leur union d’un contrat de mariage et étaient donc assujettis au régime de la société d’acquêts.
[2] Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, 2004 CSC 47
[3] D. (A.) c. M. (G.), sub nom. Droit de la famille – 16244, EYB 2016-261671 (C.S.) au para 49
[4] Université Trinity Western c. College of Teachers, [2001] 1 R.C.S. 772 au para 36
[5] Québec (Procureur général) c. A. [2013] 1 R.C.S. 61 au para 330

Friday 5 February 2016

Expertise et proportionnalité : La Cour supérieure refuse la production tardive d’une expertise additionnelle


Dans un jugement rendu le 1er février 2016 dans l’affaire Guérette c. Carbonneau, 2016 QCCS 351, l’honorable Simon Ruel, j.c.s., refuse la production d’une expertise additionnelle par la demanderesse, après le dépôt de sa déclaration de dossier complet (art. 274.1 de l’ancien C.p.c.), pour les motifs suivants :

a)     Les défendeurs sont pris par surprise puisque l’expertise n’a jamais été annoncée auparavant;
b)     L’expertise en question serait probablement irrecevable en ce qu’elle n’est pas nécessaire pour éclairer le Tribunal mais tend plutôt à usurper le rôle du juge;
c)     La production d’une expertise additionnelle à ce stade ne respecterait pas le principe de proportionnalité.
L’article 293 C.p.c. dispose :

293. Le rapport de l'expert tient lieu de son témoignage. Pour être recevable, il doit avoir été communiqué aux parties et versé au dossier dans les délais prescrits pour la communication et la production de la preuve. Autrement, il ne peut être reçu que s'il a été mis à la disposition des parties par un autre moyen en temps opportun pour permettre à celles-ci de réagir et de vérifier si la présence du témoin serait utile. Il peut toutefois être reçu hors ces délais avec la permission du tribunal.

En l’espèce, si le Tribunal invoque trois motifs distincts pour refuser d’exercer sa discrétion en vertu de l’article 293 C.p.c., le motif fondé sur la proportionnalité est particulièrement intéressant. Le juge Ruel s’exprime ainsi :

[26] À tout événement, le Tribunal juge que la production du rapport du Dr. Auger à ce stade ne respecte pas le principe de proportionnalité.

[27] Selon l’article 158 du nouveau Code de procédure civile, le Tribunal doit veiller au respect du principe de proportionnalité à toutes les étapes de l’instance, ce qui comprend l’évaluation de l’objet et de la pertinence des expertises.

[28] La demanderesse a déjà annoncé cinq experts dans diverses disciplines.

[29] Les rapports du Dr. Auger et de la firme Analyse Exp-Air visent substantiellement le même objet, soit l’urgence ou non de procéder à des travaux compte tenu de la présence de moisissures ou d’agents microbiens dans l’immeuble.

[30] Les montants en cause et la nature du dossier ne justifient donc pas la production d’une sixième expertise en demande sur un enjeu déjà couvert.

[31] La production de l’expertise du Dr. Auger à ce stade forcerait toutes les parties impliquées à se positionner et à requérir la production de contre-expertises médicales.

[32] Des délais et des coûts seraient occasionnés pour toutes les parties dans un dossier ayant déjà pris des proportions importantes.

Notons également, bien que le jugement n’en fasse pas mention, que la multiplication des expertises semble contraire tant à l’esprit qu’à la lettre du nouveau C.p.c., comme en témoigne notamment le dernier alinéa de l’article 232 C.p.c. :

232. Les parties conviennent de la nécessité de l'expertise dans le protocole de l'instance ou, avec l'autorisation du tribunal, en tout temps avant la mise en état du dossier.

Qu'elle soit commune ou non, les parties ne peuvent se prévaloir de plus d'une expertise par discipline ou matière, à moins que le tribunal ne l'autorise en raison de la complexité ou de l'importance de l'affaire ou du développement des connaissances dans la discipline ou la matière concernée. (nous soulignons)


On ne saurait se risquer à affirmer, sur la base d’une seule décision, que les tribunaux se montreront plus réticents, sous l’empire du nouveau C.p.c., à permettre la production tardive des rapports d’expertises. Néanmoins, le principe de proportionnalité pourrait venir limiter la possibilité pour les parties de produire des expertises supplémentaires, surtout lorsque de telles expertises sont annoncées pour la première fois après la mise en état du dossier.